Un collectif de riverains et l’association U Levante ont obtenu auprès du Tribunal administratif de Bastia l’annulation d’un arrêté du 23 décembre 2019 par lequel le maire de Pitrusedda/Pietrosella a accordé un permis de construire à M. Jacques Collin pour l’édification de six immeubles collectifs de trois étages chacun comportant au total 60 logements (décision du 7 janvier 2021*).
Cette décision va permettre de préserver une langue de terre qui s’insère dans un secteur à dominante pavillonnaire de la commune de Pitrusedda/Pietrosella (située sur la rive sud du golfe d’Ajaccio), caractérisée par la présence de lotissements supportant des habitations individuelles séparées par des jardins ou des espaces verts. Elle prolonge un vaste ensemble naturel qui s’étend, plus en amont, vers l’Est et le Sud.
Par ailleurs, le terrain d’assiette du projet relève, dans la cartographie annexée au Plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (Padduc), d’un Espace Ssratégique agricole (ESA).
Dans sa décision du 7 janvier 2021 (Cf. le jugement en document joint), le Tribunal administratif fait droit à certains arguments présentés par les riverains et U Levante à savoir :
- Violation de l’article L. 123-13 du code l’urbanisme, tel que précisé par le PADDUC, qui traite de l’extension limitée de l’urbanisation des espaces proches du rivage : dans le PLU, elle doit être justifiée et motivée selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l’accueil d’activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau.
- Violation de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, tel que précisé par le PADDUC, qui stipule que l’extension de l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les agglomérations et villages existants ; ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d’urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l’urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d’équipements ou de lieux collectifs.
Même si le Tribunal administratif ne le relève pas, il est important de noter que le projet de construction des 6 immeubles collectifs :
- aurait consommé des Espaces stratégiques agricoles (en jaune sur la carte ci-dessous). Comment le premier magistrat de la commune, personnalité de premier plan de l’ancienne mandature territoriale ayant porté le PADDUC sur les « fonds baptismaux », a-t’il pu ne pas en tenir compte ?
- se situe sur un espace accueillant une importante population de tortues d’Hermann (Testudo Hermanni Hermanni), espèce protégée par l’arrêté ministériel du 19 novembre 2007 et qui figure, en raison des menaces pesant sur sa survie, à l’annexe II de la Convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, et aux annexes II et IV de la directive Habitats Faune Flore (directive 92/43 CEE du Conseil du 21 mai 1992).
En l’espèce, l’impératif de préservation de cette espèce protégée a purement et simplement été ignoré par la commune. Compte tenu des conséquences dommageables du projet litigieux pour cette espèce en voie de disparition, l’arrêté querellé n’aurait pas dû être délivré, ou il aurait, tout au moins, dû être assorti de prescriptions spéciales aux fins de limiter et/ou compenser l’atteinte ainsi portée aux populations de tortue concernées.
Comme nous le verrons dans un prochain article, l’issue favorable obtenue pour cet îlot encore préservé ne reflète malheureusement pas la situation constatée sur le reste de la frange littorale de la commune de Pitrusedda/Pietrosella.
Il est important de souligner qu’elle n’aurait pu être obtenue sans une mobilisation citoyenne déterminée : un exemple à suivre pour tenter d’enrayer une dérive urbanistique mortifère pour notre île !